Influence de la génétique asil dans l’élevage endurance
J’interviens sur ce blog à la demande d’Edouard, non pas pour vous parler historique et lignées, tout simplement car si le sujet me passionne, il y a bien plus compétent que moi dans ce domaine, mais plutôt pour vous parler de ce qui peut inscrire nos chevaux dans le marché actuel du cheval arabe, créer de nouvelles vocations, et aussi donner envie aux propriétaires de chevaux asils de faire naître la prochaine génération, et ainsi éviter de perdre plus de lignées que celles que nous avons déjà perdues. On sait tous qu’essayer nos chevaux signifie quasi systématiquement les adopter, mais tout se joue en général sur ces 2 paramètres : la performance (quelque soit la ou les disciplines visées) et/ou leur tempérament
Tous les éleveurs de chevaux arabes asils veulent le meilleur pour leurs chevaux, mais force est de constater que si on a besoin de travailler ensemble, on a aussi besoin des éleveurs de chevaux arabes non asils, voire même des éleveurs de poneys de sport, de chevaux de course, de chevaux d’endurance pour offrir à nos chevaux des « débouchés » (je n’aime pas ce mot, mais nos chevaux ne se nourrissant pas encore d’amour et d’eau fraîche, il est nécessaire aussi de parler de cet aspect là), et ainsi continuer à en faire naître le plus longtemps et le plus sereinement possible.
Et oui, car je pense qu’on a tous entendu que nous élevions des pedigrees, que nos chevaux étaient des chevaux de collection, alors que la grande majorité d’entre nous, élevons certes des chevaux asils, avec le soin nécessaire pour maintenir ces lignées, mais dans l’idée également de produire des chevaux avec un haut degré de fonctionnalité.
Je vais partir d’un constat français, mais je pense qu’on a tous plus ou moins le même. En France, on a environ 60-80 naissances de chevaux arabes asils par an (sur 1800 naissances environ). Plus de la moitié d’entre eux sont issus de lignées show et sélectionnés uniquement sur les critères liés à cette discipline. Reste donc environ entre 15-20 poulains par an. Objectivement, nous ne produisons pas les lignées les plus commerciales, donc les étalons asils sont rarement les plus prolifiques.
Maintenant voyons l’impact de cette minorité sur l’élevage endurance français, reconnu comme un des meilleurs au monde sur une génération.
En 2019, 180 chevaux de 6 ans ont couru la finale Jeunes Chevaux à Uzes sur 80 km, dont 77 en vitesse libre, la course la plus difficile sur cette classe d’âge. Les meilleurs d’entre eux sont classés Elite, soit 8 en 2019
Petite étude de pedigree pour ces 8 chevaux
– Declik Suleiman: 25% de sang asil, sa grand-mère Chouka est au croisement des lignées tunisiennes, algériennes et égyptiennes
– Danaide Reial: négligeable (un arrière grand-père) mais seulement 50% du pedigree connu
– Disha de Suleiman: 50%, fille d’asil,via sa mère Chouka qui semble être à l’origine de sacrés chevaux mais n’a malheureusement jamais produit en asil (et en prime la lignée Koheilah el Adjuz)
– Dude du Fonpeyrol: 25% dont la grande Bossa Nova (4 ascendants sur 16)
– Design du Claud: 50%, fils d’asil via Bou Saada
– Kahina de Jansavis: 25% (4 ascendants sur 16) dont Moulouki
– Diamane d’Olbia: 31.25 % principalement grâce au père de mère (Mokhtar, desert bred)
– Dalakani de Venelles: 12.5% via Bossa Nova et Aswan mais en 4è génération seulement
Sur les 8 meilleurs chevaux de 6 ans de l’année 2019, 6 d’entre eux ont une influence forte (au moins 1 ascendant à la 2è génération, ou 4 à la 3è soit 25% de la génétique) des lignées asils. Pour la France, ce sont les lignées syriennes, les anciennes lignées de l’Armée Française en Afrique du Nord (Tunisie, Maroc, Algérie), et les lignées égyptiennes, croisées entre elles ou non. Pour les 2 autres, il y a une influence, mais moins présente.
Je fais régulièrement ce travail sur les pedigrees der performers sur grandes échéances équestres de l’endurance, et cette course n’est pas une exception. Elle est même assez représentative de ce qu’on peut trouver sur les performers actuels. Bon nombre des éleveurs d’endurance de ces 30 dernières années ont utilisé les chevaux arabes asils sans même savoir ce qu’était un cheval asil, d’où le fait d’ailleurs qu’une grande partie des juments asils n’aient pas eu de descendance asil. Donc il est temps de rendre à nos lignées la place qu’elles méritent dans l’élevage du Cheval Arabe dans sa globalité, celle permettant à nous, en tant qu’éleveurs de chevaux arabes asils, de continuer à faire naître les prochaines générations peut-être un peu plus sereinement, mais aussi celle permettant aux éleveurs de chevaux arabes (d’endurance, mais pas que) de prendre conscience de l’influence de nos lignées sur leurs élevages actuels, et d’ainsi les motiver à puiser dans ce formidable stock génétique pour faire naître les performers de demain
En photo: Chouka dans sa jeunesse (photo: Virginie Simon) https://www.allbreedpedigree.com/chouka2
Merci, Séverine! C’est très intéressant, et aussi important de savoir quels résultats les asils atteignent dans le sport. Je suis choquée que seulement 15-20 poulains asils sont élevés pour le sport, mais pour un petit nombre de naissances annuelles, ils ont un grand impact!
Oui, et sur les Championnats (du monde, d’Europe, …) , les résultats sont similaires. Petit effectif, grande influence et ça sur des lignées variées. Je suis persuadée qu’on peut faire ce même travail dans d’autres pays, et trouver des résultats similaires. En France, on a la chance d’avoir des imports récents de Syrie (1999-2009), les anciennes lignées de l’Armée Française soit issues de Pompadour, soit des Etablissements français d’Afrique du Nord (Tiaret en Algérie, Meknes au Maroc, et Sidi Thabet en Tunisie), et les Egyptiens, donc une bonne diversité de lignées asils. Après on peut aussi parler des poneys de Concours complet ou Iricho (Tunisie) et Fawzan (Egyptien) sont des chefs de race dont la descendance ramène des médailles pour la France en Championnats d’Europe, mais ça j’en parlerai plus tard
Dans l’Afrique du Sud, les étalons asils de Bahrain (Tuwaisan, Tuwaisaan 406) ont produit les bons performers dans l’endurance. Le premier Tuwaisan a produit les trois “Sahiby Ferraris”, gagnants de Fauresmith (200km): Sahiby Sheikh Sulman, Sahiby Sheikh Hamed, et Sahiby Rifaa.
Aussi, Ahir (SE) est prisé dans les lignées d’endurance, pour vitesse, et certains éleveurs pensent que Maistro (SE) donne un bon pouls.